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Culture Access

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L'Histoire c'est d'Actu : Homosexuel(le)s et Nazisme 2/2

Publié par Mallorie L. sur 31 Janvier 2015, 15:15pm

Catégories : #histoire, #actu

 

Mallorie Lambilliotte - Texte déposé en presse.

 

 

Entre homo-érotisme et mise en danger de la race aryenne

 

La politique sexuelle nazie est celle d’un contrôle total de la procréation.

 

Le but : perpétuer la dite race aryenne, et empêcher les « indésirables » du régime de procréer. Juifs, Tsiganes, malades mentaux, handicapés physique et… homosexuel-le-s. On pratique sans hésiter l’avortement (pourtant pénalisé), et l’extermination.

 

Les nazis attaquent ainsi les valeurs chrétiennes en les confisquant  à leur profit. Toute action est bonne si elle se fait dans un but nataliste pour la nation. Le parti, qui feint de vouloir redonner une place centrale et conservatrice à la famille et au mariage, se moque bien de la morale chrétienne.

 

Tout cela prend forme dans une véritable opération de communication de Goebbels, chef politique de la propagande nazie. Alors que les viols de jeunes filles passent inaperçus, les scandales impliquant des prêtres se multiplient. On joue sur l’image pédophile des prêtres et leur supposée homosexualité : la boucle est bouclée, le nazisme atteint la détestée Eglise, et s’harmonise ainsi avec la réprobation de l’homosexualité. Et oui, n’oublions pas : « ceux qui pratiquement l’homosexualité privent l’Allemagne des enfants qu’ils lui doivent », dixit Goebbels encore et toujours (26 janvier 1938).

 

Une nation, une sexualité, une seule église : celle qui fait le jeu d’Hitler.

On exacerbe alors l’homophobie dans une politique nataliste raciste. Sur ce coup-là aussi Goebbels fait très fort : il canalise en fait la conscience sexuelle de toute la société. C’est une nouvelle définition de celle-ci. Une nouvelle définition du langage de la morale aussi.

En parallèle, des "Lebensborn" sont créés : des camps de procréation. 1000 hommes, 1000 femmes, triés sur le volet, parfois capturés pour créer le futur de la race aryenne, c'est-à-dire des bambins blonds aux yeux bleus. Certaines femmes, enceintes de SS se voyaient ainsi placées dans des Lebensborn. Les enfants nés de ces rapports pouvaient parfois être adoptés par des familles vues comme "modèles". 20 000 sont nés dans ces maternités SS. Certains l'ont compris bien plus tard. Ils ne sont toujours pas reconnus comme des victimes du régime nazi.

 

 

    

 

Pourtant, le régime joue aussi sur l’homo-érotisme. Entre l'homosexualité au sein de l’armée et l’image des hommes donnée aux jeunes des Hitlerjugends, au sein de certains corps militaires, l’articulation entre imaginaire homoérotique et idéal viril est complexe. On voue un culte corps masculin, et on exalte alors la domination masculine de type militaire et le rôle exclusivement masculin de certains groupes de la société (Armée, Jeunesse Hitlérienne spécifique pour les garçons, SA et SS).

 

A partir des années 40 le nombre de condamnations pour homosexualité au sein de la Wehrmacht augmenta. Les autorités y distinguent : le jeu de séduction, les circonstances quasi atténuantes post beuverie, d’une « disposition incorrigible ». On commence à traquer le gay militaire. Il serait efféminé, lâche et pour couronner le tout : traître. Afin de prouver qu'il n'y a pas de " sous-hommes" au sein du Riech, on tente de réhabiliter certains dans l'armée en les "soignant".

 

Quoiqu’il en soit, si Hitler compte détruire la culture gay et lesbienne de Berlin des années folles, l’homosexualité est présente au sein de ses troupes et surtout l’esthétique de son régime joue pleinement sur l’érotisme du corps masculin. On retrouve cet imaginaire à travers les films de la controversée Leni Riefenstahl ou encore à travers les statues d’Arno Brecker, fortement admiré par Herr Hitler himself.

 

Tout cela, c’est sans compter l’homosexualité avouée du leader des SA : Ernest RÖHM.

 

 

                                                           

 

 

Ami d’Hitler, il est arrêté par celui-ci en personne, à Munich, et exécuté par la Gestapo lors de la célèbre Nuit des Longs Couteaux. En réalité, l’homosexualité d’ Ernest Röhm n’est qu’un prétexte (donnée à la presse nationale et mondiale) pour assassiner en parallèle le plus d’opposants possible (environ 200 victimes, plus de 80 morts). Les SS prennent alors le dessus sur les SA. Le pouvoir d’Hitler s’asseoit ainsi.

 

Remarquez toutefois que l’histoire est loin d'être anecdotique : l’ image du guide défenseur de la morale d’Hitler, qui se donne ainsi le droit d’éradiquer les dits malades et dépravés de la nation allemande, date d’une nuit sanglante qui a comme point de départ le rejet de l’homosexualité dans la politique nazie. L’épuration est lancée. La législation renforcée. Le paragraphe 175 est élargi : tout acte inspiré par le désir sexuel à l’égard d’un autre homme est illégal. On y précise même que l’éjaculation n’est pas nécessaire pour prouver qu’il y a crime.

 

 

C’est le début d’une nouvelle étape : la déportation et la persécution virulente à l’encontre des homosexuels.

 

 

Alors que des rafles dans les lieux homosexuels existent depuis les années 20, pour faire pression sur les communaités, désormais les mêmes listes sont utilisées par Hitler pour des actes à des fins tragiques. Cette politique, ils la mènent également des les pays occupés, comme la France.

 

Un look de dandy, une certaine coiffure, une gestuelle, un ami trop proche, une promenade dans le mauvais coin... Tout peut être prétexte à la suspicion. Echo à notre temps : les préjugés et clichés sont les mêmes à l'époque. Les actes de délation envers les homosexuels sont, eux aussi, nombreux en cette période.

 

Les interrogatoires se multiplient, longs et violents. Pierre Seel, dans son témoignage, raconte ainsi qu'on lui demande s'il connaissait certaines personnes après avoir été traité au préalable de " cochon de chien " c'est-à-dire de "sale pédé". Les Allemands en savent déjà beaucoup sur lui lors de son arrestation : " (Ils) savaient que j'étais homosexuel, et ils essayaient de se servir de moi pour prendre au piège une partie de la population de la ville. Mais d'abord quelles preuves avaient-ils de mon homosexualité ? C'est alors qu'on me montra un procès verbal signé à dix-sept ans, où j'avais fait état à un officier de police français du vol de ma montre dans un endroit douteux. Le tout signé par moi. Je ne pouvais nier mon homosexualité. D'autres qui le purent, eurent la chance d'être expulsés du territoire au lieux d'être internés. (...) ". En effet, les Nazis se donnent parfois pour but de les " réeduquer " mais pas à n'importe quel prix.

 

Les indésirables sont déportés. Ils font même parti des premiers à connaître les camps de travail puis de concentration. Marquage distinctif, le triangle rose qu'on les oblige à porter était la marque la plus visible dans les camps : jusqu'à 21 cm de tissu rose sur la poitrine. Ils sont ainsi d'autant plus vulnérables, connaissant les pires humilitations et blessures de la part des SS... mais aussi des autres déportés. Dans la hiérarchie des camps, ils sont au plus bas de l'échelle. 

 

 

Si l'homosexualité féminine est également un crime, elle est beaucoup plus tolérée. De par l'image de la femme en cette période, mais aussi de par l'imagination des hommes sur les plaisirs saphiques. Bien souvent, les femmes lesbiennes envoyées en camp portent le signe des associales : le triangle noir des inadaptés.

Pour les hommes, la condition est autre. Leur réeducation au sein des camps de concentration consiste à les "viriliser", les "endurcir". Sévices sexuels, torturés, violés, certains sont même dévorés par les chiens SS sous les yeux des autres prisonniers. Ils sont aussi exposés aux travaux les plus durs ou aux expérimentations médicales, allant - de manière presque paradoxale - jusqu'à la castration. Les "médecins fous" traduisent dans leurs actions le rejet du caractère inné de l'homosexualité, et la bestialité du régime d'Hitler.

 

Les témoignages sont nombreux, surtout en Allemagne, concernant les expériences médicales. 

 

Ainsi, un témoignage d'EUGENE KOGON est fourni en 1947 lors de l'instruction du docteur VERNET : " Des expériences furent exécutées au moyen d'injections de médicaments, dans le cas des opération sur les homosexuels, elles prirent des allures variées. Dans beaucoup de cas, des glandes synthéthiques furent transplantées. Je suis témoin de la mort de deux d'entre eux concernant ces expériences". Guy HOCQUENGHEM explique quant à lui que "les essais de brûlures sur des sujets vivants pour tester les bombes de phosphore, décimaient les rangs homosexuels. D'après la discipline des camps de 3e niveau, ils n'avaient pas le droit de tomber malade : leur admission à l'hôpital des camps était interdite. Tomber malade, c'était signer son arrêt de mort.". D'autres affirment qu'on leur lançait sur le torse des seringues bourrées d'hormones, telles des fléchettes. Certains, touchés au coeur, y trouvèrent la mort.

 

 

 

Le paragraphe 175 ne fut définitivement aboli qu'en 1994 - même si la peine de mort pour homosexualité n'est plus en vigueur depuis 1979.

 

Durant des années, il empêcha ainsi le témoignage des victimes homosexuelles du régime nazi.

 

Ce n'est qu'en 1993 que l'OMS (Organisation Mondiale de la Santé) reconnaît officiellement que l'homosexualité n'est pas une maladie mentale, mais bien un choix inné de l'individu concernant son orientation sexuelle.

 

En France, si c'est la Révolution Française qui décriminalise les rapports homosexuels, une loi discriminante du Régime de Vichy prêtant différentes majorités sexuelles en fonction de la sexualité, fut en vigueur jusqu'en 1982. Les insultes homophobes ne sont par exemple incriminées que depuis le début des années 2000. Les mariages sont autorisés (100 000 seulement en 2014), mais le chemin reste long pour les droits homosexuels. 

 

Aujourd'hui encore, les homosexuels restent interdits de participer à un don du sang.

Surtout : ils et elles risquent la peine capitale dans dix pays (Afghanistan, Arabie Saoudite, Emirats arabes unis, Iran, Mauritanie, Soudan et Yémen, mais aussi Nigeria, et états islamistes, ou encore Somaliland), les peines de prison sont également en vigueur dans de nombreuses zones (Turquie, Maroc, Egypte...).

 

Alors que certains se sentiront soulagés d'une telle époque révolue, que l'information soit relayée pour éviter répression et régression, les mots employés récemment doivent amener une véritable réflexion sur le sujet et la société actuelle.

 

 

****

 

 

Et pour les plus curieux, Culture Access vous conseille les ouvrages suivants :

 

    •    ERIBON Didier, Dictionnaire des cultures Gays et Lesbiennes, Paris, Larousse, 2003.

    •    LE BITOUX, Jean, Les oubliés de la mémoire, Paris, Hachette, 2002.

    •    ROUQUET François (sous la direction de), VIRGILI François, VOLDMAN François, Amours, guerres et sexualité 1914-1945, Paris, Gallimard, 2007.

    •    SEEL Pierre (collaboration avec Jean Le Bitoux), Moi, Pierre Seel, déporté homosexuel, Paris, Calmann-Lévy, 2006 (1994).

    •    TAMAGNE Florence, Histoire de l'homosexualité en Europe, Berlin, Londres, Paris 1919-1939, Paris, Seuil, 2002.

 

 

Remerciements à Catlyne Hervé, avec qui j'ai pu commencer à travailler sur ce sujet il y a déjà quelques années.

Les actes de délation envers les homosexuels, sont là encore, nombreux en cette période.

 
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L
excellent article, enfin du journalisme d'investigation sur un sujet encore relativement "tabou" , l'homosexualité sous le régime, nazi , l'homosexualité sous les nazis était considéré comme un crime et les châtiments étaient exemplaires ,déportation avec ce fameux triangle rose de 20 centimètres , considérés dans les camps comme des serpillères , ils étaient pour les nazis un danger pour la race aryenne .
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